Exposition Eros dans l’arène de Picasso : entre Art populaire et art contemporain,
à Saint-Remy de Provence, au Musée Estrine / exposition jusqu’au 21 septembre 2025.
Entrons dans le musée Estrine, ce joyau de l’architecture provençale du XVIIIe s, entièrement consacré à la peinture moderne et contemporaine avec plus de 1000 œuvres dont une partie consacrée à Albert Gleizes.
L’exposition actuelle présente un nouveau regard sur l’œuvre de Picasso, à travers le témoignage et les recherches d’Annie Maïllis, commissaire de cette exposition, spécialiste de l’œuvre de Picasso et de la tauromachie, en particulier dans l’œuvre du peintre. Elle eut la chance de rencontrer et de pouvoir avoir des entretiens avec Françoise Gilot, une compagne de Picasso.

La tauromachie a suivi Picasso toute sa vie et dès le plus jeune âge, puisqu’on découvre dès l’entrée du musée une petite œuvre, le petit picador …réalisée à l’âge de… 8 ans. Françoise Gilot, évoque le taureau comme « animal totémique » pour l’artiste, lié à son hispanité notamment. Elle ajoute dans ses entretiens avec Annie Maïllis en 2004, que « Pour Picasso, la corrida est un spectacle fondamental, le premier avec lequel il ait fait alliance. Dans le Midi, c’était une fête, sa manière de retrouver l’Espagne ».

Corrida, symbole de relations amoureuses
Dans ses tableaux, l’artiste peint le couple taureau accompagné d’une femme, l’entité admirée et virile en opposition au cheval, entité féminine, pour symboliser ses relations fusionnelles ou conflictuelles avec les femmes qui partagent sa vie. Il représente Marie- Thérèse, une de ses compagnes dans plusieurs tableaux alors qu’elle est éloignée de l’univers taurin.
Il apparaît également une autre figure, celle du minotaure. Picasso en fait un héros loin de l’image du monstre crétois.
L’artiste, à travers tous ces symboles dessine des scènes qui rappellent la correspondance entre corrida et relations amoureuses sans oublier le personnage admiré du matador, y compris de certaines femmes, qui ont exercé ce métier admiré par l’artiste. Et lorsque la femme apparaît au milieu de ces tableaux de scène de tauromachie, elles ne sont pas représentées soumises ou maltraitées mais plutôt puissantes voire dominatrices.

La femme associée à la symbolique de la tauromachie et à la terre provençale.
L’artiste qu’est Picasso a projeté à travers les tableaux, ses passions amoureuses, ses origines hispaniques. Il est normal que l’œuvre du grand maître soit symbolisé par ce sujet, tant il en est imprégné et c’est ce que l’on découvre au fil de ce circuit artistique : les tableaux, mais aussi les photos, qui relatent les fêtes, les spectacles de tauromachie au fil des ans et de la vie de Picasso. Les figures de la femme et du taureau sont significatives de l’évolution intime, esthétique, idéologique du peintre. Il fait de la corrida le théâtre de ses relations avec les femmes et aime à se reconnaître dans la bravoure et la puissance du taureau.
De la puissance à la perte de prestige
Picasso assiste souvent à des corridas et l’on retrouve sa présence sur des photos. Françoise Gilot sera la première femme à être photographiée à ses côtés. Excellente cavalière, elle descend en piste lors d’adieux qu’elle lui fera. Jacqueline, sa dernière épouse l’accompagnera dans les arènes mais sans laisser de témoignage.
L’exposition offre à voir en parallèle des œuvres de Picasso, des œuvres d’artistes contemporains comme Vincent Bioulès, Claude Viallat ou Sophie Calle par exemple. De nombreuses photographies et documents d’archives y sont également présentés ainsi qu’un montage vidéo.
Ainsi ces scènes de l’artiste sont comparables aux représentations de sa vie et de ses amours. De dominant et puissant, les représentations avec la vieillesse ou la perte de Françoise Gilot, par exemple, attestent de la tristesse de l’homme et de sa douleur, ayant perdu la puissance et le prestige, du moins à ses yeux. L’exposition démontre une fois de plus la complexité, le personnage énigmatique, et permet de mieux appréhender son œuvre parfois mystérieuse.
Ysabelle Jolly
Musée Estrine - Place Philippe Latourelle - Saint-Remy -de-Provence
tel : 04 90 92 34 72 - www.musee-estrine.fr
Crédits et légendes photos :
Pablo Picasso :
Le Petit Picador jaune, 1889
Huile sur panneau en bois, 24X19 cm
Collection particulière
Crédits : Succession Picasso 2025
Toros en Vallauris 1954
1954, Vallauris
LInogravure 73,7x79,8cm
Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso 1979, MP 3462
Crédits : Cliché Grand Palais-RMN/photo Rachel Prat
Succession Picaso2025
Corrida : la mort de la femme torero
6 septembre 1933
Huile et crayon sur bois 21,7x27 cm
Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979 MP144
Crédits : Cliché Grand Palais -RMN/Photo Mathieu Rabeau
succession Picasso 2025